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Billets sur le monde environnant

9 juin 2014

La Réunion : Res Publica Banana

Il est classique de présenter son île sous le meilleur angle. La mienne a beaucoup d'arguments à avancer, aussi proposer une vision paradisiaque de la Réunion n'est en soi pas une difficulté.

Toutefois pour appréhender toute les subtilités de cette région, il convient d'évoquer ses travers. Travers liés non pas au site mais à ses occupants.

En tant que réunionnais, il est douloureux de devoir mettre en avant les aspects les moins reluisants de mes congénères, toutefois le nier ou l'ignorer ne serait pas leur rendre service. Plusieurs aspects de la société réunionnaise peuvent faire l'objet d'une analyse critique à commencer par le monde du travail qui peut constituer un bon préambule en ce qu'il est une image fidèle de la société à notre instant T, mais aussi en ce qu'il augure de ce que sera l'île dans un futur proche au vu du fonctionnement de son milieu professionnel du moment.

Pour bien comprendre le microcosme réunionnais, et notamment le monde du travail, composé en majorité de fonctionnaires et d'agents publics, il faut regarder de plus près les institutions, principaux employeurs, qui œuvrent dans ce département.

A la tête politique de cette île se trouve une caste d'élus qui depuis des années dirigent sans partage notre île. Il est bien sur naïf de ne penser que cela n'arrive qu'à la Réunion, mais ce phénomène a une ampleur et des conséquences bien plus importantes sur ce territoire.

Il est prévisible qu'un homme politique favorise son parti, ses proches, ses semblables au détriment des plus compétents et des plus honnêtes qui n'auraient pas la chance d'être dans ses petits papiers. Situation critiquable certes, mais humaine et compréhensible. Bien qu'en France, cette pratique s'observe dans les plus hautes sphères du pouvoir politique, on peut dans cet abus « apprécier » le fait qu'en général, le « pistonné » est un homme compétent, qui comme l'auteur de sa désignation a fait preuve qu'une capacité intellectuelle et de travail, si ce n'est exceptionnelle, au moins décente ! On se retrouve ainsi avec des copains d'abord à la tête de notre pays, mais ces camarades étant pour la plupart passé par l'E.N.A ou au moins par les bancs de la fac ou de Science Po !

Sans préjuger de la qualité de ces formations, on peut toutefois constater un certain élitisme intellectuel dans la sélection de leurs élèves. Aussi on peut espérer avoir des dirigeants ayant suivis une formations les préparant un minimum aux plus hautes fonctions.

Ce pré-requis n'existe pas à la Réunion, nous sommes en présence d'élus qui dans un premier temps, pour se faire élire achètent des voix. Pour cela différentes pratiques sont courantes : Intimidation de la population par des « nervis », prise en charge d'une modique facture d'électricité ou d'eau à 2 mois des élections ou encore faire venir des familles défavorisées sur sa commune via l'attribution de logement en échange de votes. A la Réunion, les mahorais bénéficient d'ailleurs de ce système, ce qui créer des villes où se concentre cette population.

Ce qui pourrait passer pour une exception est à la Réunion une généralité et ainsi « nous » votons pour celui qui paiera de manière effective et immédiate une maudite dette de foyer. Il est regrettable de voir la population locale céder et ne « penser » que sur le très court terme en favorisant des peu scrupuleux au détriment d'hommes de programme. Il n'est toutefois potentiellement pas exclus que ces praticiens de l'achat de votes soient de bons dirigeants ?

Que nenni ! Une fois en place, ceux-ci s'évertuent à placer ouvertement leurs familles et proches à des postes à responsabilité (parfois fictifs) avec salaires à plus de 5.000 euros parfois et avantages. Titulaires de pouvoirs publics, ils attribuent des marchés en échange de « faveurs » pour leurs intérêts personnels au détriment de procédures légales censées contrer ses abus. Il est ainsi bien plus facile de construire une belle maison quand on est élus, surtout quand un marché de construction d'ampleur est à venir, événement assez commun sur cette ile en plein développement.

Cette situation s'explique assez facilement du fait que les élus en place on passé la quarantaine, n'ont généralement pas de diplôme autre qu'une forte communauté ou un fort patrimoine dans leur bagage. L'élite réunionnaise n'est pas intellectuelle à la Réunion.

J'aimerais dire qu'il s'agit de cas isolés à la Réunion, mais après près de 30 années de ma vie à apprécier les démêlés judiciaires, scandales et autres affaires qui jonchent mon île, je ne peux que constater la généralité de ces pratiques. Il est en effet bien plus extraordinaire de trouver un politique « réglo », d'ailleurs j'attends toujours qu'on m'en présente un... Il n'est évidemment pas ici question de trouver un politique qui fasse l'unanimité, là n'est pas le débat, cette qualité étant intrinsèquement incompatible avec tout mandat politique ! Mais trouver un politique qui n'abuse pas exagérément de ses prérogatives confiées par le peuple, c'est là une exception qui ne devrait pas l'être !

On peut alors apprécier les condamnations successives et répétées ainsi que les scandales qui parsèment la vie politique de la Réunion sans pour autant voir un changement de ces figures politiques dans l'ile.

Les blâmer serait se déresponsabiliser, et c'est la population qu'il faut d'abord montrer du doigt. « On a les élus qu'on mérite » et cette maxime est encore plus vraie à la Réunion qui est peuplée par une population trop égoïste mais surtout trop peu éduquée pour prendre des décisions d'avenir, faire des choix suivant un intérêt général.

Cette situation est malheureuse et n'est pas sans rappeler certains pays d'Amérique du sud et de l'Est où la corruption est omniprésente. Il est regrettable de voir ça se dérouler sur un territoire français à part entière où la population la plus vigilante baisse les bras devant tant d'injustice.

La société réunionnaise est gangrénée par des habitants pervertis par l'occidentalisation rapide et mal contrôlée, et nous assistons aujourd'hui aux conséquences de ce developpement.

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6 juin 2014

Ce que veulent les khmers

Le rendu du jugement de la première partie du cas 002 approche à grand pas, les condamnations des  Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens vont très certainement tomber à l’encontre de NUON Chea et de KHIEU Samphân, les deux derniers dirigeants du Kampuchea Democratic[1] mis en cause dans le massacre de 2 millions de leurs concitoyens de 1975 à 1979.

Ce procès qui dure depuis maintenant 6 ans mais qui ne s’est intéressé à ces 2 protagonistes que depuis 2011 touche à sa première fin[2] alors que les accusés ont tous deux plus de 80 ans.

Décrié par ne nombreux observateurs internationaux qui ne voient pas là un justice utile, des frais important pour compenser l’absence de réaction des internationaux durant ce sanglant régime, le « tribunal khmer rouge » continue bon grès mal grès son chemin et ceux qui le constituent, comme Nicholas Koumjian, procureur du cas 002, rappelle que : « ce procès est aussi un signe fort envers le reste du monde que les crimes contre l’humanité ne sont jamais impunis»[3].

Débat d’occidentaux sans fin sur la réelle utilité de telle juridiction, surtout lorsqu’elles affichent un processus long et douloureux en raison de sa formation mixte comme au Cambodge, la parole est rarement donnée au peuple cambodgien qui pourtant est le premier concerné.

Le Royaume du Cambodge qui sort d’une période sombre de guerre civile depuis près de 17 ans, et qui en connait aujourd’hui une nouvelle suite aux élections qui a vu son premier ministre Hun Sen être reconduit pour son 4e mandat en dépit des contestations de son principal opposant, le président du CNRP[4] Sam Rainsy.

Cette partie de l’ancienne Indochine ne connait pour l’heure aucune réelle juridiction digne des standards de la zone d’Asie du Sud-est, aussi le justiciable ne l’est qu’exceptionnellement quand il a les moyen de soudoyer non pas les juges mais les policiers, qui font dans les faits encore office de juge et exécutant.

Le point de vue de ces citoyens sans droit sur la nécessité d’une telle justice international dans leur pays présente un intérêt certain pour ceux qui sont les victimes de ce crime contre l’humanité.

Sopheak, motodop[5] de 43 ans reste évasif sur ce procès : « C’est politique tout ca ! Nous on voit ca de loin mais c’est surtout pour les barangs[6] et le pouvoir que ca a lieu !»

Chamroeun, collègue de travail avec qui il partage un carrefour de BKK[7] pour guetter le prochain client explicite « Ce procès fait plaisir aux internationaux qui pensent agir pour les khmers, il fait plaisir aux politiques cambodgiens qui sont légitimé par les internationaux car ils vont dans leur sens ! Mais en réalité, ces hommes politiques en place sont eux-mêmes des khmers rouges qui ont su retourner leur veste au bond moment ! Pour moi, il n’y a pas de justice, on en prend quatre et on laisse les autres gouverner encore aujourd’hui ! Ca ne sert à rien ! »

Amertume des premiers échanges avec ces travailleurs qui vivent en périphérie de la ville dans des bidons-villes régulièrement rasé par le pouvoir en place en vue de la revente des terrains à prix d’or aux chinois et coréens, principaux investisseurs du « Pays des khmers » depuis 10 ans.

Socheata, 32 ans, employée dans une agence immobilière et qui estime faire partie de la classe moyenne cambodgienne est plus nuancée : « C’est une bonne chose pour les cambodgiens, grâce à cette cours du travail a été crée pour les cambodgiens, les salaires sont très élevés[8] et ca permet aux familles de s’en sortir si l’un des membres y travaillent. De plus de nombreux expatriés habitent le Cambodge maintenant, c’est une ressources financière importante pour nous puisqu’ils ont un pouvoir d’achat cent fois supérieur au notre ».

Ces propos s’appuient sur un marché immobilier en plein explosion où les prix à la vente augmentent selon elle de 10% chaque année avec un parc immobilier grandissant et des prestations de haut standing.

Il est vrai que la ville change énormément, avec un taux de croissance de près de 8% annuel, on croise désormais à tous les coins de rue un immeuble en construction, des tours ambitieuses qui peinent à s’achever et des 4X4 de luxes dans tous les recoins de la ville alors même qu’il y a 10 ans, seuls les motos et vélo circulaient dans les petites rue de la capitale.

Bora, jeune travesti de 21 ans récemment au chômage depuis que son salon de coiffure a fermé et qui avoue se prostituer occasionnellement pour subvenir à ses besoins est plus détaché : « A vrai dire je ne connais pas réellement les accusés, je sais qu’ils ont fait du mal à mon pays et qu’ils ont tué mes grands parents par exemple mais aujourd’hui c’est le chômage, l’argent et les problèmes de société qui nous préoccupent. Ce tribunal ne nous parle pas à nous les jeunes ».

Vireak, 63 ans, employé au ministère de la défense à la retraite depuis les dernières élections se sent bien plus concerné et insiste lourdement pour garder l’anonymat : « j’ai moi-même fait partie des soldats khmers rouges. A l’époque on exécutait les ordres du Partie. Ca n’était pas toujours beau à voir mais il y avait une idéologie derrière. On voulait l’égalité de tous. Retrouver nos valeurs. C’est vrai que c’est allez trop loin mais Mao[9] n’est il pas allé trop loin lui aussi ? C’est un héro aujourd’hui pour son peuple ! ».

Ces discussions entrainent un sentiment mitigé, peu semblent aujourd’hui concerné par ce procès qui visent à leur rendre justice puisqu’on estime que l’ensemble de la population cambodgienne a été touché par les massacres des khmers rouges. Toutefois la population semble connaitre ce tribunal et ses accusés mais ne s’en soucie guère du résultat et n’espère pas trouver une quelconque paix ou colère dans le verdict qui s’approche à grand pas. Ce détachement fait encore peser le poids de la question de savoir pour qui a réellement lieu ce procès ? Les cambodgiens ou les internationaux ?



[1] Nom du régime khmer rouge en place de 1975 à 1979

[2] Le cas 002/02 qui constitue la 2eme phase du procès est en discussion

[3] Conference sur l’ECCC à la Royal University of Law and Economics of Phnom Penh, 29/01/2014

[4] Cambodian National Rescue Party (principal partie d’opposition au pouvoir en place depuis 1993

[5] Taxi moto sillonant la ville pour 1 à 3 $ par course

[6] Terme khmer désignant les français dans un premier temps puis généralisé pour les blancs

[7] Boeung Keng Kang quartier expatrié de Phnom Penh

[8] 1.500$/mois en moyenne pour un juriste cambodgien et 5.000 $/mois pour un juriste international

[9] Mao Zedong, Fondateur et dirigeant de la République Populaire de Chine de 1932 à 1950

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